Dans l’optique de préparer mon rôle dans mon prochain travail – manager et coach -, j’avais besoin de lire quelque chose pour m’aider à mieux guider les équipes vers l’adoption de process plus efficaces et vers de l’amélioration continue (the agile way). J’avais appris jusqu’ici qu’une approche naïve, top-down, où on arrive avec ses gros sabots et on dit : ” voilà ce qu’il faut faire, si vous l’appliquez à la lettre, vous aurez 68,7% de bugs en moins et vous irez 39,2% plus vite”, ça ne marche pas. (OK, présenté comme ça ça parait évident, mais parfois il n’y a que l’expérience qui te montre les choses les plus évidentes.)
Je ne cherchais pas un livre de recettes toutes faites, où on te disait comment mener une session de grooming ou une rétrospective et où on te donnait la solution à chaque problème rencontré – je savais déjà qu’il n’y a pas LA solution, pour trouver une solution il faut prendre en compte le contexte et les personnes. Je voulais plutôt une méthode qui t’apprenne à bien poser les problèmes et à aider mes équipes à tirer le meilleur d’elles mêmes.
Donc j’ai acheté Management 3.0 de Jurgen Appelo, que j’avais dans ma liste de lecture depuis un moment. C’était exactement ce qu’il me fallait. Ce livre est passionnant du début à la fin j’ai eu à plusieurs reprises des moments de “ah ouais, c’est mortel comme idée!”. Il retourne complètement la façon habituelle d’envisager le rôle de manager et ce qu’est une équipe.
Le management 3.0 part du principe qu’une organisation professionnelle est un réseau (comme dans réseau de neurones, ou réseau de villes, ou réseau d’ordinateurs) et qu’une équipe (de développement) est un système complexe. La conséquence immédiate est qu’on s’intéressera autant aux relations entre ses membres qu’aux personnes – beaucoup plus qu’aux départements et aux profits.
Le Management 3.0 n’est pas une théorie nouvelle qui fait table rase de tout ce qui a été proposé avant. Au contraire, il propose une approche pragmatique qui consiste à récupérer toutes les idées qui peuvent aider à mieux comprendre les relations au sein d’une entreprise. Il s’inspire notamment de nombreuses théories venant des sciences dures, comme la théorie des systèmes complexe, la cybernétique, les théories du jeu, la théorie de l’évolution, la théorie du chaos. Il reprend aussi à son compte les idées du management hiérarchique – le fait que ceux qui ont des compétences dans un un niveau d’un système hiérarchique ne sont pas qualifiés à des niveaux plus haut ou plus bas de hiérarchie parce que ces niveaux demandent des compétences d’un genre différent -, ainsi que de l’agile, le lean et du software craftmanship.
The recognition that a software development team can construct itself, that it can define its own identify, that it needs to interact with its environment, and that interactions among team members are just as important as the team members themselves (or even more so) can all be attributes to general systems theory.
Bien sûr, il y a un risque épistémologique à tenter d’appliquer des concepts d’un domaine donné à un autre, puisque ce dont on parle n’est pas forcément comparable. On pense notamment au darwinisme social, “qui postule que la lutte pour la vie entre les hommes est l’état naturel des relations sociales” et qui justifie la répartition de richesses par le fait que ce sont les plus méritants qui sont en haut de l’échelle sociale, en omettant des phénomènes comme la reproduction des classes sociales chère à Bourdieu.
Pourtant, Apello considère qu’il y a une valeur heuristique (qui contribue à étendre la connaissance) à parler d’équipes auto-organisée et de design émergent, et qu’ils peuvent s’appliquer au management d’équipes de développement.
Je trouve aussi cette approche, où tout doit partir de l’équipe elle-même (avec des gardes-fous tout de même, on le verra ailleurs), extrêmement motivante. Bien sûr, il ne suffit pas de parler de concepts et de théorie pour qu’une équipe fasse des produits qui fonctionnent. Il faut comprendre comment les appliquer au quotidien dans le contexte très précis du développement agile. Dans des prochains articles, j’essaierai de décrire certains des aspects les plus importants du management 3.0 et comment ils peuvent amener une équipe à tirer le meilleur d’elle-même.